Comme beaucoup de politiques mises en place par Donald Trump, il est impossible d'échapper aux conséquences des droits de douane. Les taxes imposées sur les exportations vers les États-Unis varient selon les pays, mais aucun n'est exempté, et de nombreux pays ont dû conclure des accords pour réduire les coûts. En effet, un accord avec la Chine a permis de réduire ses propres droits de douane réciproques sur les minéraux rares, tandis que le Canada a subi la colère de Trump après qu'une publicité politique ait pris pour cible le président américain.
Tout cela n'a suscité que des inquiétudes chez la plupart des entrepreneurs. Pourtant, il pourrait y avoir une certaine logique à cette politique: malgré l'impact à court terme des droits de douane, l'intention est clairement de stimuler l'industrie manufacturière américaine, et il est possible qu'ils provoquent un renouveau similaire dans tous les pays du monde.
Les répercussions des droits de douane
La récente flambée des mesures tarifaires entre les États-Unis et la Chine illustre particulièrement à quel point la politique commerciale peut déstabiliser l'économie mondiale. Les États-Unis ont introduit des « droits de douane réciproques » généralisés et d'autres droits accrus sur les importations chinoises, tandis que la Chine a riposté par ses propres mesures de rétorsion. De nombreuses politiques appliquées par la Chine ont également été appliquées à l'Europe, plongeant le continent dans un problème dont il n'est pas responsable.
Les droits de douane américains sur les produits chinois sont les plus élevés depuis un siècle, et même les petits pays qui affichent un déficit commercial avec les États-Unis ont été sanctionnés par des droits de douane stricts. Le World Trade Organisation (WTO) estime que la crise pourrait inverser la croissance du commerce mondial, qui passerait d'une augmentation prévue de 2,7 % à environ 0,2 % cette année.
Pour tous ceux qui dépendent des chaînes d'approvisionnement mondiales, cela a eu un effet inévitable. Les entreprises chinoises ont vu leur production interrompue et leurs commandes annulées sous l'effet des droits de douane américains, ce qui les a amenées à se réorienter vers d'autres marchés ou à mettre complètement leurs capacités en veilleuse. Dans le même temps, les consommateurs américains sont confrontés à une forte hausse des prix à l'importation, les grands conglomérats tels que les supermarchés n'absorbant qu'une partie du choc pour les articles de consommation courante.
Les arguments en faveur de la production locale
Ces droits de douane s'expliquent en grande partie par le protectionnisme et l'idée que trop de capacités de fabrication et de production sont cédées à des pays comme la Chine. Le pouvoir que cela leur confère leur permet de bloquer l'accès à des importations essentielles si leurs exigences politiques ne sont pas satisfaites, ce qui peut mettre en péril les intérêts des puissances occidentales.
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Cela obligeait déjà les pays à envisager sérieusement de se désengager de la Chine avant même les droits de douane imposés par Trump, et à produire davantage localement. Si cela s'est toujours heurté à des coûts de main-d'œuvre et de matériaux plus élevés, l'ampleur véritablement sans précédent des droits de douane a changé la donne. La stabilité avec des coûts fixes plus élevés commence à sembler préférable à l'instabilité avec des coûts plus faibles et plus variables.
À un niveau élémentaire, les droits de douane augmentent le coût effectif de l'importation de marchandises en provenance des pays exposés. Ces coûts réduisent l'écart entre la production étrangère à bas prix et la fabrication locale plus coûteuse. Cela s'applique à la fabrication d'articles coûteux et très complexes comme les voitures ou les puces informatiques, mais aussi aux agriculteurs locaux, aux artisans et même aux services aux entreprises. Les préoccupations en matière de sécurité donnent également un coup de pouce aux fabricants, les politiciens américains soulignant les dangers d'une dépendance excessive à l'égard d'un seul pays pour les composants essentiels, au cas où des infrastructures de communication seraient piratées.
Il en résulte un environnement caractérisé par des droits de douane punitifs, mais aussi un environnement dans lequel les entreprises pourraient être en mesure de tirer parti des écarts qui apparaissent. Si une entreprise est prête à investir au niveau local ou régional, elle pourrait constater que le soutien du gouvernement devient plus important et que ses produits ou services sont soudainement beaucoup plus compétitifs en termes de prix qu'il y a un an.
Comment les entreprises européennes peuvent tirer parti des droits de douane
Aux États-Unis, cette volonté de restaurer les emplois dans le secteur manufacturier et de se diversifier hors de Chine est déjà bien engagée. Des entreprises technologiques telles qu'Intel et TSMC se sont engagées à investir massivement dans des usines de semi-conducteurs américaines afin de se prémunir contre d'éventuelles interruptions d'approvisionnement en provenance de Taïwan et de répondre aux pressions tarifaires et sécuritaires. Dans le même temps, les pressions tarifaires obligent les constructeurs automobiles américains à rapatrier leur production depuis des pays comme le Mexique et le Canada vers les États-Unis.
Malgré tous les défis qu'ils posent, les droits de douane pourraient également être une aubaine pour les entreprises européennes, du moins celles qui sont en mesure d'en tirer parti. Trouver des moyens de produire ou de s'approvisionner en produits et en matériaux localement peut donner un avantage sur les concurrents liés par des contrats, offrant à la fois un avantage financier et un contrôle et une flexibilité accrus.
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L'Union européenne soutient activement cette transition, grâce à des financements et des incitations spécialement conçus pour renforcer la base industrielle du continent. Le plan industriel du Pacte vert pour l'Europe et la loi européenne sur les puces électroniques visent tous deux à ramener des industries essentielles en Europe et à rendre l'UE plus autonome dans ce domaine.
Pour une petite ou moyenne entreprise, cela peut se traduire par de nouvelles opportunités d'accéder à des subventions, des partenariats et des talents qui n'étaient pas disponibles il y a quelques années. Cela signifie non seulement tirer parti des avantages existants de l'adhésion à l'UE (accès facile aux talents ou au marché unique de l'UE), mais aussi pouvoir réduire les délais et les coûts d'expédition, et vérifier les marchandises en personne.
La difficulté réside évidemment dans le sourcing de ces fournisseurs, certains articles étant produits ou fabriqués en quantités limitées au niveau local. Mais l'offre tend à suivre la demande, et le fait que de plus en plus d'entreprises cherchent à s'approvisionner localement stimulera inévitablement la production. En créant une entreprise dans l'UE, vous bénéficiez également d'un accès à des dizaines de marchés, ce qui signifie que la capacité de production ne se limite pas au seul pays dans lequel vous êtes basé.
L'avantage local de l'Europe
Bien avant les droits de douane imposés par Trump, la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine ont montré à quel point les chaînes d'approvisionnement modernes peuvent être instables et combien il est important de réduire la dépendance vis-à-vis d'autres pays. En conséquence, l'UE et ses États membres s'efforcent depuis plusieurs années de réduire cette dépendance, grâce à des politiques qui commencent à porter leurs fruits.
Dans certains secteurs, l'industrie locale attendait cette aubaine. En Allemagne, par exemple, le secteur manufacturier du pays connaissait un certain ralentissement. La situation des industries automobile et mécanique pourrait changer si elles parviennent à absorber la production revenant d'Asie. Le plan de relance et de résilience post-Covid de l'Allemagne soutient quant à lui les entreprises qui investissent dans la production économe en énergie et les chaînes d'approvisionnement locales.
En France et en Italie, les produits artisanaux et à forte valeur ajoutée pourraient quant à eux bénéficier de la croissance vers d'autres pays de l'UE et vers d'autres pays appliquant des droits de douane moins élevés. Le gouvernement français a financé les technologies vertes et l'automatisation, tandis que des programmes européens plus larges tels que Horizon Europe sont utilisés pour encourager l'innovation et réduire la dépendance vis-à-vis des importations.
Ailleurs, des pays comme la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie offrent tous des coûts de main-d'œuvre compétitifs et une expertise technique croissante, ce qui en fait des alternatives potentiellement intéressantes aux fournisseurs chinois. Les droits de douane ont eu pour effet involontaire de rendre ces atouts régionaux plus attrayants, encourageant les entreprises européennes à redécouvrir la valeur des partenariats régionaux.
Relever le défi
Bien sûr, il ne suffit pas de créer une entreprise en Europe et de surfer sur la vague. La production en Europe coûte souvent plus cher en termes de salaires et de matériaux. Mais ces coûts fixes plus élevés sont compensés par l'ampleur des droits de douane et la sécurité de savoir que votre chaîne d'approvisionnement ne sera pas bouleversée du jour au lendemain. Et grâce aux progrès de l'automatisation, des énergies renouvelables et des outils numériques, le coût de création d'une entreprise ou d'augmentation de la production en Europe n'est plus aussi élevé qu'auparavant.
Les start-ups ont déjà l'occasion de tirer parti de ces changements. Un nombre croissant de fondateurs d'entreprises technologiques européennes se lancent dans ce qu'on appelle « l'économie de la résilience », en proposant des outils numériques qui contribuent à rendre les chaînes d'approvisionnement plus transparentes, à promouvoir la fabrication circulaire ou à rendre la logistique plus efficace, autant d'éléments qui pourraient rendre l'industrie manufacturière européenne plus compétitive.
Les investisseurs s'intéressent également de plus en plus aux entreprises qui peuvent démontrer la solidité de leurs activités locales. Les fonds européens de capital-risque et de capital-investissement préfèrent de plus en plus les entreprises qui prouvent leur durabilité et leur rentabilité, plutôt que celles qui recherchent une croissance rapide, à l'image des entreprises technologiques américaines. Et les entreprises les mieux placées pour renforcer les chaînes d'approvisionnement européennes, à savoir les start-ups technologiques, bénéficient également d'un secteur technologique européen en plein essor et d'excellentes infrastructures, comme nous l'avons largement décrit dans nos articles.
Les droits de douane sont rarement populaires, et leur impact global sur les entreprises et l'économie mondiale risque d'être négatif, du moins pour le moment. Mais comme toute crise, ils offrent également une opportunité d'innovation, voire de renouveau. Pour les entrepreneurs européens, les droits de douane imposés par Trump pourraient annoncer un retour à une production plus locale, ce qui pourrait être exploité à bon escient si cela est correctement mis en œuvre.
