Elections présidentielles : le Frexit est-il possible ?

Last updated: 6 décembre 2023 Views: 2057

Après une année ayant vu les victoires du Brexit, de Trump et toutes autres sortes de bouleversements, bien malin celui qui pourra prédire l’issue des élections présidentielles françaises à venir. Alors que certains candidats ont été prompts à souligner cette année de bouleversement, la France reste néanmoins un pays unique. La consécration de la laïcité républicaine, les protections contre le populisme et une Gauche forte semblaient le protéger du même sort que ses proches alliés.

Il y a des problèmes communs avec les autres pays, mais les problèmes les plus urgents sont toujours les mêmes. Un sondage récent effectué à Chartres, à un moment où certains médias ont cessé de faire des sondages, a indiqué que plus de gens sont préoccupés par leur sécurité personnelle et économique que par l'immigration.

Liberté, égalité, sécurité

 Cela a longtemps été le facteur déterminant du discours public. Le candidat des Républicains François Fillon (ici photographié avec le président russe Vladimir Putin) n'était pas le choix le plus populaire, puisqu'il était le premier ministre de l’impopulaire réforme des régimes des retraites en 2003 et en 2008. Il a cependant présenté un programme complet, promettant une série de réformes économiques afin d’aider les entreprises à rester compétitives.

Il s'agit notamment de plusieurs réformes qui pourraient provoquer des émeutes lors de toute autre élection, y compris la fin de la semaine de 35 heures, l'âge de la retraite à 65 ans, l'augmentation de la taxe sur les produits de 2% et la réduction de 10% des emplois dans le secteur public. Cependant, avec un taux de chômage bloqué à plus de 10% durant toute la durée du dernier quinquennat, les envies de changement sont plus fortes que jamais.

Tout aurait été parfait pour les Républicains, si ce n’est ce scandale venant éclabousser leur candidat. Il est apparu récemment que l'ancien Premier ministre aurait embaucher son épouse en tant qu’assistante parlementaire pour un salaire de 800,000 euros sur dix ans, ce, pour un travail qu'elle n'a peut-être pas fait. Il est également accusé d'avoir payé ses deux enfants pour un travail semblable, le tout à la charge du contribuable. Pour un réformateur qui prône l’austérité en termes de dépenses publiques et ayant fait de la probité le fer de lance de sa campagne, cela ne passe pas, même dans son propre camp.

Fillon aurait été l’option la plus logique à droite destinée à attirer des électeurs à la fois du centre et d’une droite plus dure et permettant donc le rapprochement d’un électorat dont le spectre est de plus en plus polarisé. Au lieu de cela, la France fait face à la possibilité d’avoir un match Droite dure contre Gauche dure...

Le Pen de plus en plus puissante...

 Pour les gens de la droite dure, Marine Le Pen (en photo) est un réel espoir pour ces élections. La chef du Front National a construit une image plus modérée que celle, controversée, de son père. Etant à l’origine un groupe nationaliste d'extrême-droite, Marine Le Pen a introduit plusieurs nuances politiques et notamment de politiques sociales de gauche, tout en conservant le message fondamental de «la protection de l'identité française. »

Le message est donc fortement anti-islam et anti-immigration, mais aussi extrêmement protectionniste. Le Pen est profondément opposé aux accords commerciaux internationaux tels que le TTIP et a proposé que tous les accords de libre-échange et de douanes soient annulés. Son programme inclut également une taxe à l'importation de 3% sur toutes les marchandises étrangères et une nouvelle taxe sur les travailleurs nés à l'étranger.

Ses électeurs viennent de toutes les couches sociales, mais on retrouve en particulier des ouvriers, comme ceux de la ville de Hayange, dans le Nord-Est, qui se sentent abandonnés et non reconnus par les autres partis. Ils ont été touchés par l'automatisation et la perte d'emplois manuels, mais aussi par l'impact des attaques terroristes sur le tourisme. Contrairement à la politique nationaliste au Royaume-Uni et aux États-Unis, les régions où les taux d'immigration sont plus élevés tendent à être les plus fervents partisans du Front national.

Les idées politiques les plus extrêmes et économiquement les plus dangereuses de Le Pen ont trait à l'Union européenne. Elle a proposé un référendum «Frexit» similaire à celui du Royaume-Uni, dans le but ultime de faire tomber l'Euro et de ramener le Franc. Un tel changement aggraverait probablement l'économie fragile de la France au lieu de l’améliorer.

Une Gauche qui bat de l’aile

 À gauche, le candidat socialiste Benoit Hamon (en photo) a créé la surprise en entrant dans la course à la Présidence, après sa victoire sur des rivaux plus modérés dans les primaires du parti. L'ancien ministre chargé de l'économie sociale et solidaire puis de l'éducation a cherché à se distancer Président Hollande en proposant des politiques radicales et tournées vers l'avenir. On a donc ici un idéaliste utopique, il s'identifie au leader du parti travailliste britannique Jeremy Corbyn et au démocrate américain Bernie Sanders.

Cela se traduit dans son programme par de nombreuses propositions mettant le « peuple en avant ». Au lieu d'essayer de protéger les emplois manufacturiers et agricoles, Hamon a proposé un salaire universel de 750 euros comme moyen de combattre l'automatisation. Il a également l'intention de créer une imposition sur le déploiement de «robots» afin de financer une nouvelle économie innovante respectueuse de l'environnement.

En fin de compte, il espère réduire le nombre d'heures de travail chaque semaine. Il a également proposé ce que propose les écologistes depuis des années : légaliser et taxer la marijuana.

Beaucoup de rêves d'électeurs de gauche en quelque sorte. Reste à savoir si ses politiques sont réellement viables, et s'il peut échapper à la réputation de son parti.

Jean-Luc Melenchon  est encore plus intéressant. Soutenu par le Parti communiste après être passé au Parti Socialiste, Melenchon est peut-être encore plus proche de Jeremy Corbyn. En réalité, il est beaucoup plus à gauche et est, de fait, le meilleur contrepoint à Le Pen. Melenchon est plus libéral socialement, mais aussi très anti-UE.

Il se distingue principalement par ses solutions économiques aux problèmes actuels, en proposant notamment un salaire minimum de 1300 euros net, en réduisant les heures de travail et en obligeant les entreprises à adopter des politiques vertes. Cherchant à renégocier avec l'UE qu’à la quitter, il offre une forme plus viable de changement radical, et apporte avec lui la puissance de l'establishment de Gauche.

Marine contre Macron

 Actuellement, le plus grand rival de Le Pen est cependant Emmanuel Macron. Macron (en photo) peu connu du grand public il y a trois ans, est âgé de 39 ans, donc très jeune selon les normes politiques françaises. Ancien conseiller de l'impopulaire Hollande et brièvement ministre de l'Economie, Macron a fait voter une loi éponyme de réforme des entreprises avant de quitter le gouvernement.

Il est sur le papier plus mystérieux, étant donné qu'il n'y a pas de papier pour en parler. Macron n'avait, à fin février 2017, pas encore publier son programme, préférant laisser ses adversaires se chamailler tout en perfectionnant son personnage politique, proche si on peut les comparer de Justin Trudeau.

Ses positions sociales de gauche font de lui un esprit libéral, tout comme son âge. Mais c’est un ancien banquier de chez Rothschild et un ancien ministre des affaires économiques ; les perspectives économiques potentielles sont donc assez claires.

Compte tenu du pouvoir inhabituel du poste de Président, Macron tenterait probablement des réformes drastiques pour accroître la compétitivité des entreprises et réduire les droits des travailleurs. Cela peut inclure une semaine de travail plus flexible, d'autres réformes sur les retraites et des changements concernant l’impôt sur la fortune et sur le revenu.

Il serait inévitablement confronté à une réaction publique et politique, puisque personne en politique n'aime vraiment Macron. Il a abandonné les socialistes pour commencer son propre mouvement, mais ce jeu de pouvoir a bouleversé tout le spectre. De plus, il reste toujours trop à gauche pour tous les gens de droite. Mais s’il est qualifié pour le second tour et se retrouve face à Le Pen, il serait probablement considéré comme la solution la plus enviable.

Le résultat est potentiellement un choix entre deux types de populisme, ce qui n’est pas souvent une bonne recette pour le succès économique. Alors que le projet de Le Pen est plus idéologique, Macron est finalement pragmatique et conservateur. Alors que son expérience est minime, sa fonction en tant que ministre de l'économie et ses racines dans la finance devraient lui être utiles. Les changements ne sont peut-être pas satisfaisants pour les secteurs les plus traditionnels, mais en période d'incertitude économique persistante, les réformes centrées sur les affaires ne sont peut-être pas une si mauvaise chose.

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